20 juillet 2008

Pour ou contre le mariage gay


   Slide Rock, Arizona. Usés des longs périples et franchement attirés par la description rafraîchissante que nous en faisait Gretel, l'infirmière de Glenwood Springs rencontrée quelques jours plus tôt, nous nous sommes promis de piquer une tête dans la rivière de Slide Rock. Comme son nom l'indique, l'endroit offre une série de toboggans naturels et de plongeons spectaculaires. L'attraction vaut bien celles en béton, acier et plastique des grands parcs d'amusement.

   Une eau limpide dévale les sinuosités du canyon. Il ne faut cependant jamais se fier aux apparences. La veille, les autorités du parc national ont dû interdire la baignade à cause d'une trop grosse concentration de bactéries. Un panneau, dont la présence n'était pas due au hasard, précisait aux conducteurs de camping-cars qu'ils ne devaient pas vider leurs toilettes dans la nature.

   Assis sur les gradins naturels du Slide Rock, à regarder s'ébattre tout ce que l'Amérique compte de joyeux et de populaire, nous ne parlerons pas de cette pollution bête et méchante. Soyons plus gay et évoquons le choc des deux Amériques : la traditionnelle et évangéliste contre l'exubérante et libérée.

   J'avais demandé un jour à une élue démocrate si elle était en faveur de la peine de mort. Elle m'avait répondu en haussant les épaules que " Les grands débats d'idées " avaient disparu et que la question qui mobilisait le plus d'énergie était celle du mariage des homosexuels et qu'elle préférait pour sa part se concentrer sur les préoccupations quotidiennes de ses électeurs.

   Comme les toboggans devant nos yeux, le terrain est glissant et les politiciens préfèrent éviter le sujet de l'homosexualité. N'empêche, aussi conservatrice que soit l'Amérique, elle est à l'avant-garde de la lutte des homosexuels du monde entier pour avoir le droit de se marier et d'élever des enfants. La vigueur des militants gays et lesbiens n'a d'égale que l'ardeur des groupes religieux conservateurs.

   Le scrutin du 4 novembre, qui sera multiple comme le sont tous les votes aux Etats-Unis, posera la question de façon très directe en Arizona, Californie et Floride : la loi doit-elle interdire les mariages entre personnes de même sexe ?

   En 2004, onze états avaient posé la question du mariage gay. Mais seul le Massachusetts l'avait légalisé. Cette fois-ci, même si la question n'est posée que trois fois dans tout le pays, elle prendra une dimension particulière car le géant californien, 38 millions d'habitants, devra y apporter une réponse. Les statistiques officielles y recensaient 108 734 ménages homosexuels en 2006.

   Juridiquement, le mariage gay est légal en Californie depuis qu'en juin dernier la Cour suprême de cet état a jugé qu'il n'existait aucune raison valable pour refuser l'institution du mariage à un couple à cause de ses orientations sexuelles. Le lendemain de cet arrêt historique, alors que des dizaines de couples homosexuels se pressaient à la mairie de San Francisco pour s'inscrire, les opposants au mariage gay ont engagé la procédure pour surseoir à la décision de la Cour suprême jusqu'aux élections générales.

   Ils n'ont pas, cette fois-ci, le soutien de leur gouverneur Arnold Schwarzenegger qui a déjà apposé par deux fois son veto à des législations favorables au mariage homosexuel. Non, pour ce coup, le musclé Terminator a décidé de s'incliner et de ne pas se dresser face à la Cour Suprême.

   Si les électeurs californiens confirment la décision de la Cour suprême, ce sera la première fois qu'un vote populaire de cette ampleur soutient le mariage homosexuel. La Californie a toujours été à la pointe de toutes les réformes sociales et culturelles qui ont balayé le pays depuis la deuxième guerre mondiale. Ce qui a fait dire à  Gavin Newsom, le maire de San Francisco, capitale mondiale des gays : " C'est une question de dignité et de droits humains. Et c'est dans l'air du temps de la Californie. Ainsi va la Californie, ainsi va le reste de la nation. C'est inévitable. La porte est grande ouverte maintenant. Cela va arriver, que vous le vouliez ou non ". Le gouverneur de New York, a reçu le message cinq sur cinq. Quelques jours après le jugement de la Cour suprême de Californie, il s'adressait à la communauté gay via l'audiovisuel pour l'assurer de son action en sa faveur.

   Les groupes évangélistes qui en ont appelé à ces référendums ont au moins réussi à obliger les candidats à se prononcer. John Mc Cain soutient les amendements aux constitutions d'Etat qui définissent le mariage comme, exclusivement, l'union d'un homme et d'une femme. 27 Etats s'en sont déjà dotés. Barack Obama, dans un premier temps, estimait, quant à lui, que chaque état était en droit d'adopter la législation qu'il souhaitait. Il a fini par adopter une position plus claire en supportant la revendication des homosexuels pour leur droit au mariage.

 

 

 

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copyright (textes et photos) : Franck Cellier

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