26 juillet 2008

Un vote tous azimuts



   Los Angeles, Californie. Comment une seule ville peut-elle avaler autant d'autoroutes sans exploser ? Ce n'est pas possible, donc Los Angeles déborde et explose. Elle est la deuxième plus grande ville des Etats-Unis après New York.

   Nous écrivions il y a quelques jours que les Angelenos, comme l'ensemble des Californiens, auront à décider, le 4 novembre prochain, s'ils sont favorables au droit des homosexuels à se marier. Ce mini-référendum coïncidera avec l'élection générale opposant Barack Obama et John Mc Cain. Ce qui peut sembler surprenant. En fait, le système électoral américain réserve bien des surprises à qui le découvre. Il est temps aujourd'hui de se pencher sur la question.

   Nul sur la planète Terre n'aura échappé à la médiatisation de cette élection, notamment parce qu'elle dure un an et s'ouvre en janvier avec les caucus de l'Iowa et la primaire du New Hampshire. Dans chacun des deux grands partis, une douzaine de candidats briguaient l'investiture. Le processus n'a rien d'informel, il est régi pas des lois dans chaque Etat. Une diversité qui ne fait que rajouter à la complexité du scrutin. Quelle différence, en effet, entre l'électeur du Kansas, qui choisit son poulain à main levée dans une salle de réunion bruyante, et celui de l'Indiana, qui doit cocher des cases sur un long questionnaire qu'il glisse ensuite dans un décrypteur !

   Le caucus, souvent présenté comme le descendant des conseils d'Indiens d'Amérique, donne lieu à de belles foires d'empoigne car les supporters d'un candidat dont le nom regroupe moins de 15% des présents doivent décider quel autre camp rejoindre. Ils sont alors interpellés aux quatre coins de la salle avec le déploiement de tous les arguments possibles et imaginables.

   Les votes primaires, plus classiques et plus répandus, s'étalent de janvier à mai. Généralement, les favoris de chaque parti sont connus dès le mois de mars. Mais, cette année, dans le camp démocrate, Hillary Clinton a fait durer le suspens jusqu'au bout en talonnant Barack Obama. Pour la première fois depuis un demi-siècle, le vote de l'Indiana a compté, obligeant les deux prétendants et leurs proches à multiplier les meetings et les annonces publicitaires.

   Ils ont arpenté les usines, les champs, les écoles, les gymnases, les bourgs ruraux, les campus universitaires. John Mellencamp chantait pour Hillary et Bill quand Stevie Wonder soulevait les coeurs pour Barack. L'élection du 6 mai s'est traduite par une participation record et une belle poussée du sénateur de l'Illinois dans les villes mais les Clinton ont conservé une courte majorité grâce au soutien de l'électorat traditionnel blanc des campagnes.

   A l'entrée du bureau de vote, chaque électeur devait annoncer la couleur de son camp pour se voir remettre le bulletin de son choix. Alors que l'état de l'Indiana penche d'habitude du côté du rouge républicain, le bulletin démocrate a eu plus de succès. Jackie Nytes, une activiste démocrate, relevait deux raisons à cet engouement étonnant. D'abord car John McCain, qui avait déjà obtenu plus de la moitié des voix sur l'ensemble des Etats-Unis, avait tué le suspens. Ensuite parce que de nombreux républicains s'étaient fait passer pour des démocrates afin d'en récupérer le bulletin. Notre interlocutrice expliquait qu'il s'agissait de républicains noirs qui appréciaient Obama. Mais il y avait fort à parier que certains de ces électeurs «égarés» jouaient aux fins stratèges en choisissant le candidat qui, selon eux, serait l'adversaire le moins dangereux pour McCain. Machiavélique, isn't it?

   Chaque électeur prenait entre cinq et dix minutes, sur l'un des pupitres disposés au milieu d'une cour d'école, pour remplir un bulletin qui comprenait une trentaine de noms à cocher. En effet, en même temps que l'élection de leur président, les Américains éliront en novembre leurs sénateurs, leurs représentants au Congrès, leurs percepteurs, leurs juges (8 juges à élire), leurs shérifs, leurs administrateurs de quartier et même les élus des conseils d'école... Voilà qui explique la profusion d'affichettes électorales souvent plantées en bordure des jardins privés.

   Lors de la parade irlandaise de la Saint-Patrick, j'avais été stupéfait de voir passer une voiture décapotable à l'intérieur de laquelle une candidate au poste de juge s'était transformée en femme sandwich pour vanter ses mérites. Signe que l'Amérique électorale est une aventure insolite avec ses coutumes et ses sensations dont la première victoire de George W. Bush en 2000 ne fut pas la moindre. Avec un demi-million de voix de moins qu'Al Gore au niveau du vote populaire national, il l'avait emporté grâce au décompte litigieux de l'Etat de Floride où 550 petites voix lui avaient permis de faire basculer tous les grands électeurs de cet Etat dans son camp.

 

 

 

 

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copyright (textes et photos) : Franck Cellier

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